On fait comme on peut

Dans un bureau de consultation, puisqu’on traite des choses de la vie, on aborde aussi la mort : celle d’un ami, d’un
frère, d’un parent, d’un enfant …

On évoque le vide implacable, l’irréel indescriptible. Alors le médecin épaule du mieux possible, en respectant les silences,
en autorisant les flots de larmes se déversant suite au choc de la nouvelle. Car quels que soient son âge, son vécu, les
circonstances, l’Homme n’est jamais vraiment prêt à se séparer d’un être chéri, d’une personne « ressource » dont il est d’ailleurs sur le coup impossible de parler au passé. Il fait simplement comme il peut.

Du choix d’un vêtement pour faire une dernière fois honneur lors des funérailles aux nuits blanches, des craintes sur l’avenir à la sensation de gorge nouée, on se livre. Puis parfois aucun mot ni émotion ne sort. Perdre un proche, c’est perdre une partie de soi, un pilier, un port d’amarrage. C’est être privé de ces moments de joies exacerbées, de peines partagées, de complicités folles, de tendresses inavouées, de rassurances, ces moments si particuliers qui font la richesse et l’unicité d’une relation humaine. Après le choc, le temps fait tourbillonner nos sentiments noirs : le déni précède la colère, puis la tristesse, la résignation.

Et enfin survient l’acceptation que l’on supposait impossible, le premier pas vers une vie sereine. Les mois, les années aident alors positivement à pardonner, à se mettre en quête d’un renouveau, à se reconstruire, à retrouver la joie. Pourquoi passons-nous par ces phases? Est-ce la sagesse ? Un gage de maturité ? Je ne sais pas. Ce dont je suis sûre par contre, c’est que dans ce processus du deuil, l’être aimé n’est jamais bien loin. Il continue à « vivre » en permanence autour de nous. Un anniversaire, une lumière, un lieu, une odeur, une sensation, une anecdote, une saveur, une expression, un rire, un plat, une rue empruntée nous amènent à un souvenir de lui.

Et lors de cette phase d’acceptation, un jour tout s’inverse, et ces pensées finissent par procurer malgré le manque – je vous le souhaite – des émotions aussi douces que l’amour a été grand et aussi paisibles que les souvenirs sont précieux.

Laure